La photographie, un médium jeune par rapport aux autres formes artistiques, a été longtemps considérée comme une forme d’art mineur. Elle a aussi vu le jour à l’aube du 20e siècle, au moment où la question du rôle des genres commençait à être réexaminée. Les normes patriarcales n’ont pas été moindres pour autant et la contribution des femmes dans l’histoire de la photographie, souvent occultée, reste en court d’écriture alors que nous découvrons les prouesses dont nos ancêtres furent capables afin de redresser une vision plus équilibrée et juste du huitième art.
Des pionnières
Nombre de femmes se sont investies dans le développement et l’institutionnalisation de la photographie dès son invention. Alors que Nicéphore Niepce et William Fox Talbot voient leurs noms au panthéon de ce medium, leurs épouses Agnès et Constance restent dans leur ombre. Pourtant Constance Fox Talbot fut la première du couple à prendre une photo…
Il n’est pas question de faire grief ici, mais de chanter les louanges de ces pionnières, de ces photographes avant tout, des opératrices autonomes, des créatrices originales et de restituer l’extraordinaire épaisseur et intensité de leurs contributions et de leurs parcours.
Un regard féminin si particulier, courageux et emphatique
Dans les expositions et festivals, vous entendrez aussi parler du « Female Gaze », ce regard féminin, particulier, qui documente les mêmes sujets que les hommes et pourtant si différemment, c’est cette richesse de visions qui est intéressante, qui interpelle.
Les femmes photographes au fil des décennies ont vécu et se sont opposées à de multiples formes d’oppression sociale et politique au-delà du genre, offrant des perspectives critiques, politiques et imaginaires sur diverses communautés radicales et marginalisées. En exposant les atrocités de la guerre, en documentant les révolutions au fur et à mesure qu’elles se déroulaient, et même en mettant en lumière l’épidémie de violence domestique ou de toxicomanie au sein des foyers, ces femmes ont à maintes reprises fait preuve de courage et d’empathie pour rivaliser avec leurs homologues masculins.
Lorsque la Seconde Guerre mondiale a éclaté, le magazine Life a demandé à Margaret Bourke-White de travailler directement avec les forces armées américaines. Alors qu’il traversait l’océan Atlantique vers l’Afrique, son navire a été torpillé et coulé, mais Bourke-White a survécu et a continué à couvrir la lutte des fantassins alliés dans la campagne d’Italie. Elle a également couvert le siège de Moscou, et plus tard ses photographies des détenus émaciés des camps de concentration ont choqué le monde.
Susan Meiselas retrace la révolution nicaraguayenne telle qu’elle s’est déroulée dans les rues en 1979, et est un témoignage puissant et de première ligne sur la bravoure des civils. Le travail réalisé à cette période la définit comme l’une des photographes les plus courageuses et consciencieuses de son époque.
Un héritage inspirant
Beaucoup de photographes pionnières comme Mary Ellen Mark et Diane Arbus ont choisi de se concentrer sur des histoires moins sensationnelles, mais ont plutôt tourné leur objectif vers les communautés marginalisées ou privées de leurs droits, sur des sujets de proximité.
Bien que ces noms ne fassent qu’effleurer la surface des femmes qui ont eu un impact sur le monde avec l’utilisation de leurs appareils photo, leur héritage a inspiré d’innombrables femmes à suivre leurs traces et à embrasser les complexités du monde avec idéalisme afin de les changer.
Aujourd’hui, la part des jeunes femmes dans les écoles de photographie est de 60% des effectifs. Les femmes photographes continuent de se battre pour être représentées de façon égale et juste dans les publications, les galeries, les musées et les festivals afin de ne plus être invisibles.
Visuel :
Constance Talbot, c 1840 (détail) par William Henry Fox Talbot