Un néerlandais au Brésil pourrait être le sous-titre du tableau. Grâce au comte Jean-Maurice de Nassau Siegen, le peintre Frans Post fut le premier européen à mettre sur toile les paysages brésiliens. La maîtrise des Hollandais sur les mers leur permettait au début du XVIIème siècle d’implanter de nombreux comptoirs tout autour du monde mais pour s’affirmer, le comte de Nassau-Siegen, gouverneur du Brésil, emmena avec lui des cartographes et des artistes dont Post. Pendant sept ans, le peintre représenta les bâtiments et les sites militaires ou civils afin de témoigner de la mainmise des Hollandais sur ces terres.
Il n’est pas bien difficile d’imaginer l’étonnement qui dût saisir cet artiste de vingt-cinq ans face à la lumière crue et puissante, la flore exubérante et colorée du Nouveau Monde si différente de celle de son pays natal. De même, le mode de vie des indigènes ne pouvait que le surprendre. Tant d’éléments que Post voulut retranscrire pour ses compatriotes. On peut même dire qu’il en fit son fonds de commerce ! Car c’est à son retour, soit en 1644, que sa production fut la plus importante. Pendant trente-six ans, l’artiste exploitera ses dessins, ses souvenirs. Le tableau du Louvre est l’une de ces œuvres.
Si la vue topographique est plutôt précise, n’allez pas croire que Post réalise une photographie peinte avant l’heure. L’artiste esthétise ses vues. On pourrait dire qu’il s’agit de paysages brésiliens à la mode hollandaise ! L’emphase sur le premier-plan, souvent chargé de végétaux chez Post, et la perspective qui s’ouvre sur une diagonale ne sont pas sans rappeler l’art d’un Jan van Goyen. Mais les couleurs intenses, les contrastes de lumières appartiennent à des contrées bien plus exotiques. Si le point de départ de Post est bien la tradition hollandaise, ne serait-ce que par l’importance du ciel, son regard s’adapte à ces paysages nouveaux.
Ses premiers tableaux se veulent documentaires ou presque, l’artiste ajoute quelques végétaux certes mais les premières vues de Post se veulent de véritables reportages. Par la suite, les choses changent et le tableau du Louvre en est un bon exemple. Le peintre ne se soucie plus de la véracité des vues mais combine différents éléments de la nature brésilienne, véridiques en eux-mêmes, mais à la manière d’un décalcomanie, grâce aux centaines de dessins qu’il a ramené de son voyage. De quoi satisfaire les clients plus tentés par un frisson d’exotisme qu’un compte-rendu scientifique. Ne jetons pas la pierre à Frans Post, il n’est pas le seul à procéder ainsi, Albert Eckout par exemple, joue lui aussi sur la note de l’exotisme, parfois spectaculaire, pour vendre.