Au cours de l’histoire, la censure a été utilisée pour des raisons politiques, religieuses ou morales, dans le but de maintenir l’ordre social.
Depuis le XXe siècle, les régimes totalitaires, comme les dictatures fascistes et communistes, ont souvent utilisé la censure pour contrôler le message artistique et éliminer toute forme d’expression critique de la société ou du gouvernement.
En Occident, la censure a pour but de réprimer les contenus immoraux et se retrouve confronté avec un clash idéologique sur ce qui est moral ou ne l’est pas.
Le développement des technologies et de nouveaux outils de diffusions : radio, télévision, internet ont largement contribué à la multiplication de l’information et de médiateurs.
Plus récemment, l’accès à l’internet 2.0 a permis le tissage de réseaux sociaux internationaux où chacun peut contribuer et se faire entendre par un grand nombre.
Après 2000 ans d’histoire de l’art, qu’est-il interdit de dire ou de montrer ? À quel public ? Qui est censeur ? Quelle place a l’art dans cet environnement ?
L’histoire de la censure dans l’art
En 221 av. J.-C., Qin Shi Huangdi, après avoir conquis les régions combattantes, standardise l’écriture, la langue, la monnaie, les poids et les mesures, brûle tous les ouvrages créés avant lui et devient le premier empereur de Chine.
Plus tard, en Occident, la religion sera le pilier central de la censure avec tout ce qui entoure de près ou de loin le blasphème et l’ordre moral.
Le clergé étant le premier commanditaire des artistes, ces derniers répondent à un cahier des charges bien précis.
C’est à la Renaissance que la représentation picturale commence à présenter un problème avec l’apparition du nu dans les œuvres des grands maîtres. Le plus grand scandale à l’époque est cette œuvre majestueuse de Michel-Ange, fresque au cœur de la Chapelle Sixtine, « Le Jugement Dernier » réalisée entre 1536 et 1541 où anges, saints, élus, damnés sont représentés nus. La polémique sur la nudité, pécheresse originelle, s’est éteinte lorsque Daniele da Volterra, élève de Michel-Ange recouvra les corps de draps et de voiles.
La censure religieuse, politique et sexuelle continuera tout au long des siècles jusqu’à l’œuvre d’Édouard Manet « Le Déjeuner sur l’herbe » (voir en bas de l’article) censurée au Salon de 1863. Elle provoqua un tollé avec la représentation d’une femme nue « ordinaire » évoquant des fantasmes immoraux, à l’inverse des déesses de Titien dont on contemple l’esthétisme. Cette œuvre sera pourtant un tournant majeur dans l’histoire de l’art, considérée parfois comme la première œuvre d’art de la peinture moderne.
La censure prendra bien des formes au fil des changements politiques du XXe siècle. C’est après la seconde guerre mondiale que l’expression artistique est la plus libre dans le monde occidental. Dans beaucoup d’autres pays, elle continue à sévir.
L’état actuel de la censure de l’art dans le monde
Dans certains pays où la liberté d’expression n’est pas acquise, les représentations artistiques passées ou actuelles sont détruites ou censurées. Les Bouddhas de Bâmiyân (env. 300-700 ap. J.C.) en Afghanistan, bombardés par les talibans en 2001, ont été probablement une des plus grandes destructions volontaires dans l’histoire de l’art.
Il y a, à plus petite échelle, et plus régulièrement des censures de la part de gouvernements locaux ou nationaux. Votre serviteur a eu l’expérience de la censure dans sa galerie et dans un salon d’exposition en Chine, dont une grande œuvre des Gao Brothers qui avait pour seul reproche de représenter la carte de l’Empire.
La démocratisation des réseaux sociaux en Chine et dans le reste du monde a élargi grandement la diffusion de l’information et des représentations artistiques.
La Chine a très rapidement pris le contrôle des réseaux sociaux en bannissant les grands acteurs américains sur la toile chinoise et en promouvant les réseaux nationaux qui ont chacun leurs comités de censure.
En Occident, seules les entreprises possédant ces réseaux sociaux ont un pouvoir de contrôle sur le contenu.
Ceux-ci agissent en gendarme de l’ordre moral bannissant les comptes des uns ou les publications des autres. À l’instar d’un président démocratiquement élu bannit, une œuvre de Pierre Paul Rubens ou de Sandro Botticelli peut être interdite de publication car elle montre trop de chair, tandis que des contenus sexuellement plus explicites sont accessibles librement car pédagogiques. Ces plateformes vont souvent au-delà de ceux que les gouvernements et les organisations de défense des droits de l’Homme peuvent exiger (législation nationale ou protection des groupes vulnérables), et évoluent en fonction des idéaux de leurs actionnaires.
S’ajoute à cela un ordre moral médiatique et populaire où chaque individu qui possède un clavier et une connexion internet peut critiquer une idée ou une œuvre.
Contrairement à la politique, au social et parfois à la science, l’art reste néanmoins un domaine plutôt protégé. À l’exception de quelques expositions et œuvres qui font couler un peu d’encre, il y a très peu de scandale qui encourage la censure ou le boycott. Il reste que la représentation du nu et de la sexualité est plus modérée que dans le passé (voir cours sur « L’Amour, le Couple et le Sexe dans l’Art » par Amélie Sabatier).
Une époque plus « prude » ?
Les normes culturelles et sociales qui régissent la nudité et la sexualité ont évolué au fil du temps, et il est possible que notre époque soit perçue comme plus “prude” en comparaison avec les époques précédentes où la nudité était plus acceptée dans l’art.
L’influence et la montée d’un islam radical, de mouvements féministes et LGBTQ+ ont eu un impact sur les normes culturelles et sociales. Un idéalisme moral d’une part et des mouvements qui soulignent les inégalités et les stéréotypes liés aux genres dans la société, y compris dans l’art, ont conduit à un examen plus critique de la représentation du nu dans l’art et la culture populaire.