L’ancien duché de Savoie connut sa période la plus brillante aux XIVème et XVème siècles. Le duché connut sous le règne d’Amédée VIII, premier duc de Savoie et prince de Piémont, son expansion politique et territoriale maximale. C’était un vaste territoire, à cheval sur les Alpes, qui s’étendait de Genève à Nice et de Chambéry à Turin. Amédée VIII déploya une activité diplomatique considérable qui permit à la Savoie de rester en paix et d’affirmer sa place parmi les grandes puissances. Il s’entoura des plus grands artistes, peintres, miniaturistes, sculpteurs et architectes, en les attirant à Chambéry, résidence principale des ducs de Savoie, avant que ces derniers ne transfèrent leur capitale à Turin en 1562. Les commandes artistiques des princes et princesses de Savoie des XIVème et XVème siècles favorisèrent l’épanouissement des arts. Ils firent appel à des artistes de toutes origines, même lointaines, pour décorer leurs châteaux, leurs chapelles et leurs très belles collections de manuscrits comme en témoigne “Le livre d’Heures” dit de Louis de Savoie, conservé à la Bibliothèque nationale à Paris.
Véritable carrefour entre l’Europe du Nord et l’Italie, le duché de Savoie fut un foyer d’art majeur où se côtoyèrent de nombreux artistes, comme les peintres italiens Boso et Giacomo Jaquerio venus travailler à la cour de Savoie. L’église des Chanoines de Saint Augustin de Ripaille fut décorée par le vénitien Gregorio Bono qui vint en 1414 à Chambéry et fit le portrait d’Amédée VIII. Des artistes d’origine flamande travaillèrent également à Chambéry, comme le sculpteur Jean de Liège, qui fut le maître d’œuvres des comtes de Savoie de 1383 à 1393, ou Jean de Prindall de Bruxelles qui travailla sur le chantier de la Sainte Chapelle du château de Chambéry, édifiée par un certain Colin Thomas originaire de Provence.
Ce brassage d’influences laissa une empreinte profonde dans les réalisations de cette période comme nous pouvons le voir dans cet ensemble peint qui se trouvait dans une église ou un couvent franciscain de Chambéry. Un grand soin est apporté aux détails des costumes, des objets et des tentures de brocard servant de fond aux deux scènes. Les influences rhénanes sont caractéristiques : le réalisme spécifique à l’art des Flandres est très marqué, et les personnages sont indépendants les uns des autres avec une expression impassible telles des œuvres sculptées. Sur le panneau de gauche, saint Michel, que l’on reconnait à ses ailes, transperce un monstre à ses pieds tout en pesant une petite âme nue avec sa balance. À droite, saint Georges, le saint patron des chevaliers, tient une lance et transperce le dragon à ses pieds. À côté de saint Michel, Saint François, fondateur de l’ordre Franciscain, est identifiable à ses stigmates aux mains. Il porte la robe de bure des franciscains et la cordelière. Aux côtés de saint Georges, Saint Louis de Toulouse, évêque de l’ordre franciscain, est vêtu de sa robe de franciscain recouverte du pallium épiscopal. Il porte une crosse et est coiffé de la mitre.
Il est indéniable que les œuvres réalisées à la cour de Savoie aux XIVème et XVème siècles témoignent de la richesse du duché et de la position clé qu’il occupa en Occident à la fin du Moyen-Âge.
Visuel : Saint Michel et saint François d’Assise ; saint Georges et saint Louis de Toulouse – Anonyme français
XVème siècle, Huile sur bois. Chambéry, musée des Beaux-Arts.
Photo © RMN-Grand Palais / Thierry Ollivier.