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Artemisia Online - Article

Le sacré et l’intime

L’art religieux à la fin du Moyen Âge se déploie dans les intérieurs domestiques, grâce aux oratoires privés, aux retables portatifs et surtout aux livres de dévotion, en particulier le livre d’heures. La possession d’un manuscrit enluminé destiné aux laïcs se répandit dès le XIVe siècle. Les psautiers et les bréviaires restaient les ouvrages de

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L’art religieux à la fin du Moyen Âge se déploie dans les intérieurs domestiques, grâce aux oratoires privés, aux retables portatifs et surtout aux livres de dévotion, en particulier le livre d’heures.

La possession d’un manuscrit enluminé destiné aux laïcs se répandit dès le XIVe siècle. Les psautiers et les bréviaires restaient les ouvrages de dévotion les plus convoités ; les missels étaient plus rares, et l’ouvrage le plus courant était le livre d’heures. D’abord commandés par les princes et la noblesse, ils furent produits en très grand nombre et se diffusèrent à travers d’autres couches sociales dès les années 1350. L’engouement pour ce type de manuscrit entraîna sa multiplication au XVème siècle en France, dans les Pays-Bas du Sud, en Angleterre et plus tard en Italie et en Espagne. Les inventaires après décès et les testaments évoquant le patrimoine des artisans et des bourgeois citent fréquemment des livres d’heures parmi leurs biens. Les livres d’heures sont donc le type le plus courant d’ouvrage médiéval enluminé et constituent une part considérable de l’ensemble des textes médiévaux conservés.

Le livre d’heures illustre la foi et la sensibilité religieuse de son temps. Son développement est lié à l’émergence d’une piété plus personnelle, plus intime, appelée « dévotion moderna ». Les fidèles tendent à prendre une part plus active dans la recherche de leur salut, en lisant et méditant les textes sacrés dans la solitude et le silence d’un oratoire privé. Cela est lié au contexte des XIVème et XVème siècles qui traversent une longue phase de difficultés démographiques, économiques, sociales et politiques. L’épidémie de Peste noire, le Grand schisme d’Occident qui divise l’Église, et la guerre de Cent ans répandent une certaine anxiété qui pousse les fidèles à sauvegarder leur salut par des prières quotidiennes.

Chaque livre d’heures contient une collection de textes, de prières et de psaumes avec des illustrations correspondantes, constituant un recueil de base pour la pratique religieuse. Son nom vient de la distribution des prières d’après les heures canoniales instituées par les règlements de l’Église catholique : matines, prime, tierce, sexte, none, vêpres, complies. Avec le temps, les livres d’heures s’enrichissent d’un calendrier avec les prières et les messes pour certains jours saints, et contiennent parfois les évènements familiaux (baptêmes, mariages, décès) propres à son propriétaire. Ils indiquent ainsi les prières à réciter suivant les heures de la journée et les fêtes à célébrer chaque jour. Le plus souvent de petit format, ils peuvent être beaucoup plus grands et somptueusement enluminés. Le plus célèbre pour la qualité de ses enluminures est « Les Très Riches Heures du duc de Berry », conservé à la Bibliothèque nationale.

Jean Ier de Berry fut un mécène raffiné et fastueux, tant par goût personnel que par souci de prestige. Il fut un grand collectionneur et bibliophile. À la fin de la sa vie, il possédait environ 300 manuscrits, plus par amour des beaux livres que par piété : des chroniques, des ouvrages consacrés aux sciences et aux arts, des traités de philosophie et de politique, des bibles, des psautiers, des bréviaires, des livres d’heures, des missels et une cinquantaine d’autres livres de piété, parmi lesquels, les Très Riches Heures du Duc de Berry commandées aux frères de Limbourg vers 1410-1411.

Le calendrier est illustré pour chaque mois de l’année de miniatures de pleine page avec des scènes de la vie quotidienne des paysans et des seigneurs. Il s’agit sans doute de l’ensemble de miniatures le plus célèbre de toutes les enluminures du Moyen Âge. Chaque mois est illustré par une activité : travaux agricoles pour les paysans ; divertissements comme la chasse ou la promenade pour la noblesse. La peinture du mois d’avril, par exemple, représente une scène de fiançailles : au premier plan, à gauche, un couple échange des anneaux devant deux témoins. Il s’agirait des fiançailles de la petite-fille du duc de Berry, Bonne d’Armagnac, avec Charles Ier d’Orléans, neveu de Charles VI, qui se déroulèrent le 18 avril 1410 à Gien. Le mois de mai est illustré par un divertissement de la noblesse : la cavalcade traditionnelle du 1er mai avec un cortège de seigneurs et de dames à cheval se rendant dans la forêt, au son des trompettes, pour fêter le printemps. Ils sont tous somptueusement habillés de vêtements aux couleurs éclatantes.

Prenant son essor au XIVème siècle et connaissant son apogée dans la seconde moitié du XVème siècle, le livre d’heures constitua un cadre privilégié pour l’épanouissement de l’art de l’enluminure. Les thèmes religieux restent évidemment largement prédominants mais certaines miniatures proposent des scènes de genre comme celles présentes dans Les Très Riches Heures du Duc de Berry.

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Image de Fanny Laruaz

Fanny Laruaz

Fanny Laruaz a fait des études d’histoire de l’art à l’Université Paris Nanterre avec une spécialité en art médiéval. Son sujet de recherche en Master portait sur l’étude de manuscrits enluminés du XVème siècle. Elle compléta ensuite son parcours universitaire avec des études d’archéologie à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne durant lesquelles elle étudia l’Arabie préislamique. Titulaire de la carte de guide conférencière depuis 2014, elle anime depuis plusieurs années des visites guidées et des conférences sur l’art et l’histoire de l’Orient et l’Occident aux périodes antique et médiévale.
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