Contrairement à une légende communément établie, la Maison Fabergé, créée en 1842, n’est pas le fruit de l’unique volonté de son plus célèbre représentant : Peter Carl Fabergé. Sa famille est issue de protestants français ayant quitté la Picardie après la révocation de l’Edit de Nantes en 1685. D’abord installée en Allemagne, ses membres partirent ensuite vers la Livonie, province russe de la mer Baltique, avant que Gustav Fabergé (1814-1893), père de Peter Carl, à l’instar de nombreux autres joailliers de cette époque, rejoigne Saint-Pétersbourg. C’est là que naquit son fils, qui, effectivement, porta la réputation de sa Maison au comble de l’espérance humaine.
Une culture universelle
Carl poursuivit ses études à Saint-Pétersbourg à la Annenschule, puis à Dresde à l’Ecole de Commerce. Avec l’aide d’un collègue et ami de son père, Peter Hiskias Pendin, il apprit les bases du métier de joaillier. Il termina son apprentissage auprès de Josif Friedman.
Ayant compris l’importance d’une formation complète pour celui qui était appelé à prendre en main les destinées de l’affaire familiale, Gustav Fabergé envoie son fils dans un long tour d’Europe : il visite Florence, Paris, les centres historiques de l’art de la joaillerie, toutes les villes musées qui lui permettent d’engranger nombre des idées qu’il mit en pratique dans ses créations. C’est là que résida le génie de la pensée créatrice de Fabergé : renouveler des savoirs anciens, les associer à des techniques contemporaines, ne pas imiter mais magnifier !
Dès 1872, Peter Carl prend la tête de la société. Son goût artistique raffiné, le recrutement d’artistes et d’artisans de premier ordre, une équipe technique de pointe en firent une entreprise industrielle et commerciale puissante, connue et réputée dans le monde entier. S’il porta dès 1885 le titre de « Fournisseur de la Maison impériale » et cinq ans plus tard celui d’ « expert du Cabinet impérial », la reconnaissance internationale vint lors des grandes expositions des Produits de l’Industrie dont celle de 1907 à Nuremberg qui lui valut une médaille d’or.
Une production variée
Surnommé le « Cellini du XIXe siècle » en référence au célèbre orfèvre du roi de France François Ier, son héritage est immense, car il a su embrasser tous les types et les genres de travaux: or, argent, joaillerie, taille des pierres. Les somptueux œufs ne représentent qu’une infime partie des créations de cette Maison. Même si, lorsqu’on parle de Fabergé, c’est avant tout l’image de ces splendides objets auxquels le grand joaillier consacra plus de trente ans de sa vie qui nous vient à l’esprit.
Il est vrai que les œufs revêtaient un sens très particulier pour la famille impériale russe : à la fois objets de plaisir, de diplomatie et religieux. Pâque est, rappelons-le, la principale fête de l’église orthodoxe russe. Le dimanche de Pâques coïncide avec l’avènement du printemps, le retour de la chaleur et la renaissance de la nature. Comme dans toute la chrétienté, les fidèles échangent des œufs peints et consacrés.
Aussi, l’impératrice offrait de précieux-œufs pendentifs à ses filles, aux membres de la cour et à de nombreux serviteurs du palais. Les commandes abondent, parmi les plus précieuses citons par exemple l’Œuf à la poule (1885), l’Œuf Renaissance (1894), au couronnement (1897), au muguet (1898), de la Constellation (1917) etc…. conservés au musée Fabergé de Saint-Pétersbourg ou au musée minéralogique de Moscou.
Les merveilles pascales, en dépit de leur indéniable réussite, ne sont, on le souligne à dessein, qu’une partie du large éventail de la production sortie des ateliers Fabergé. Les objets de fantaisie occupent une place non négligeable dans son commerce. En effet, les précieuses fleurs dans des vases de cristal de roche – tel le modèle dont on illustre cet article – dont la finition est d’une telle habileté qu’ils paraissent contenir de l’eau, occupent une place unique dans le travail des artisans Fabergé.
Extrêmement populaires à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, ces compositions florales exécutées en or et en émail ou simplement en pierres précieuses, sont considérées comme le sommet artistique de ce génie et firent écrire d’une plume trempée dans l’acide à un journaliste du journal Capital and manor en 1914 : « ce petit article coûte environ deux cents roubles, mai s’il tombe par terre il ne reste plus rien. Pourquoi acheter de tels objets ? Quel gâchis ! ».
Alors qu’aurait-il pensé des figurines anthropomorphes ou zoomorphes en pierre de l’Oural, des miniatures en or, des pianos à queue, mais aussi des vases, coffrets, décors de table et presse-papiers en forme de fleurs, de fruits ou de champignons exotiques, dont les prix battent toujours des records dans les grandes ventes publiques ? Le génie est éternel, Fabergé immortel !